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Concours familial d'écriture


Mon oncle Paul nous a proposé au printemps 2024 de participer, pour ceux qui le désiraient, à un concours d’écriture. Il nous a donné une liste de mots imposés et une limite à 2000 mots. Le reste était entièrement libre. Lorsqu’il a reçu les textes, il nous a envoyé, à chacun, l’ensemble des compositions rendues anonymes pour que nous puissions nous transformer en juges et choisir les meilleures productions. Je me suis prise au jeu et me suis mise à mon ordinateur. Qu’est-ce que je pouvais bien écrire? Pourquoi pas exprimer mon mal-être dans la société américaine dans laquelle je me débat depuis plusieurs mois?

Voici mon interprétation de la vie à San Diego, avec les mots imposés en gras.

Désenchantement californien

Retracer notre parcours de vie. Au commencement, il y a la période nuptiale. Celle du moment où on apprend à vivre ensemble, à se connaître, à s’aimer toujours plus chaque jours. Puis sans crier gare arrive celle de l’enfantement, avec ses joies et ses difficultés grandement accentuées par la dépravation de sommeil. Aujourd’hui, ce n’est plus les maladies qui nous empêchent de dormir mais la crainte de laisser nos adolescents dans un monde qui semble partir en décrépitude. Voici un petit aperçu de notre expérience californienne. 

L’Amérique avec un « a » majuscule, du point de vue européen, est une nation brillante d’invention, éblouissante par sa puissance dans tous les domaines. Les américains, sauveurs du monde lors de la deuxième guerre mondiale. Les médias contribuent largement à la transmission du mythe.

Contre toute attente, ce pays montre des signes antiques, loin de nos idées reçues, une chimère cachée au reste des peuples. Ils sont à la traîne en ce qui concerne les paiements et utilisent encore des chèques. Si ceux-ci ne conviennent pas pour une raison ou une autre il vous faut vous rendre dans une banque en personne pour que l’employé puisse faire le versement dû. Gare à vous si une des informations viendrait à manquer, sous peine de devoir vous rendre à nouveau vers votre agent préféré et réitérer votre demande. Je n’ose même pas lever le voile sur les démarches administratives tant l’idée me déprime rien qu’à l’évocation. 

La nation faillit à son devoir envers ses citoyens, ne s’occupe pas des plus démunis et prône la réussite individuelle. Le fossé des classes sociales est énorme. Si on comptait le nombre de sans abris par rapport au nombre de millionnaires, le pays serait en tête de notre étude. Comment une nation où tout un chacun peut réussir laisse dépérir autant de leur concitoyen sur les pavés? Le président, du haut de son perchoir, aboie quelques vaines paroles que personne n’écoute, si bien que les riverains entre eux n’osent évoquer un quelconque sujet politique. Pas étonnant que personne ne se presse pour prendre sa place, qui serait assez courageux pour diriger un tel paquebot?

Que dire des saisons qui n’en sont pas? Une alternance d’hiver et d’été dont le dérèglement climatique vient tout perturber, alors que personne ne se soucie d’une quelconque responsabilité de l’être humain sur ces changements. Des pluies inhabituelles s’abattent bien qu’en faible quantité, elles suffisent pour mettre à mal un système, montrer les couacs et la gestion quasi inexistante des eaux de pluie. Ces soucis s’évaporent rapidement dès que les premiers rayons de soleils réapparaissent et aucune amélioration ne semble pointer le bout de son nez. 

Comment vouloir que la société s’élève? Le système éducatif encourage d’abord la pratique d’un sport de haut niveau plutôt que la réussite académique. Pas besoin d’être un génie pour entrer à l’université, il suffit de savoir courir après une balle. Les journées scolaires sont toutes semblables et la monotonie s’installe dans un monde intellectuellement pauvre. On félicitera plus l’enfant qui saura montrer de belles qualités humaines plutôt que de bons résultats scolaires. Serait-il que leur mauvaise alimentation y soit pour quelque chose? Pas besoin d’avoir faim pour engloutir leur malbouffe, riche de sucre et de gras sans aucune saveur. Qui pourrait dégoter de derrière les fagots un bon plat, équilibré fait avec des produits de bonne qualité? Pas avec les aliments disponibles au supermarché, ou devrais-je dire avec les meilleurs produits de chaque magasin différents? Car il n’est pas aisé d’aller dans une chaîne de magasin et de pouvoir trouver de quoi nourrir la famille pour une semaine. Il vous faut aller dans plusieurs enseignes pour acheter quelques ingrédients puis changer, prendre la voiture, refaire dix minutes pour entrer dans un autre commerce afin d’espérer cuisiner un repas médiocre selon nos papilles suisses. Cuisiner? Parlons-en! C’est une question qui revient fréquemment: « est-ce que tu cuisines? » Cette question a de quoi surprendre lorsqu’on sait que la majorité des Suisses cuisinent tous les jours pour nourrir leur famille. En Californie, cuisiner est une option. Les rayons des supermarchés sont remplis de plats tout préparés et le coin des surgelés est immense. Sans compter des innombrables possibilités de manger en dehors de chez soi à tout heure du jour ou de la nuit, qu’importe le jour de la semaine également.

Le racisme n’est pas en reste, dans chaque formulaire, ils demandent à quelle origine ethnique votre faciès ressemble le plus. Est-vous hispanique? indien? asiatique? noir? Encore heureux qu’ils ne veulent pas savoir combien noire est la peau, imaginez: êtes-vous plutôt ébène ou café au lait? Comment lutter contre les discriminations si tous les jours vous devez vous annoncer avant même de rencontrer un spécialiste? Bien entendu, les raisons assumées sont tout autre. Ces entités veulent justement se rassurer qu’ils ne pénalisent personne. « D’ailleurs, regardez nos statistiques, nous acceptons tout le monde! » La réalité est autre. Nous avons évoqué le manque du savoir faire dans la cuisine. Cela a un impact inattendu sur les relations sociales. Que faisons-nous le week-end pour profiter de nos amis? Nous dressons une belle table et les invitons à manger dans nos maisons. Puisque l’américain moyen ne sais plus cuisiner, il lui est impossible d’inviter quelqu’un pour un repas. Il préférera sortir manger au restaurant. Si bien que plus personne n’a l’habitude d’entrer dans l’antre d’un de leur congénère. Lorsque vous mangez au restaurant, qui d’ailleurs ne vous propose ni dessert, ni café et vous expédie la facture avec votre plat, les discussions sont difficiles. La musique et le bruit ambiant n’aident pas à la confidence. Ces échanges momentanés se terminent avant même que l’après-midi ait commencé et sans comprendre vous vous retrouvez déjà chez vous entre les quatre murs en « carton » de votre maison. Car ne vous imaginez pas qu’une maison puisse se construire avec des briques! Elle se compose de quelques planches de bois, quelques panneaux appuyés contre et le tour est joué! Ne posez pas la question de l’isolation et de l’insonorisation, ils sont inexistants.

Ce constat peut paraître déprimant et peu encourageant. Au milieu de cette société malade se trouve de merveilleux êtres humains qui font vite oublier ces tracas futiles. La nature humaine telle que Dieu l’a créée sait se renouveler et trouver des astuces pour survivre dans tous les environnements possibles. Alors soyons positifs et cherchons de voir la vie du bon côté.



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